Le front de l'art
Defense des collections francaises 1939-1945
Collectif
Réunion des Musées Nationaux
Dans ce texte réédité ici pour la troisième fois, Rosa Valland, ancienne attachée de conservation bénévole au musée du Jeu de Paume à Paris, nous retrace le parcours des œuvres d'art françaises avant, pendant et après la Seconde guerre mondiale.
De la menace de la guerre, à l'occupation allemande et jusqu'à la Commission de récupération artistique, les fameux Monument Men dont elle fit partie, Rose Valland nous décrypte tous les mécanismes de protection qui se sont mis en place autour des chefs-d’œuvre de nos musées français. Elle se penche également sur la question de ces biens privés spoliés aux citoyens par un Goering avide. Entrée dans la Résistance, elle nous raconte ses missions d'informations puis son combat, après la guerre visant à la récupération des œuvres.
C'est un pan bien peu connu de la Seconde Guerre mondiale que Rose Valland met en avant dès 1961. A travers l'histoire et le combat de cette femme étonnante, c'est toute une facette de l'idéologie de récupération nazie que le lecteur découvre. L'art au service des idéologies contre l'art pour l'art, le pillage contre la sauvegarde, Le Front de l'art est un livre passionnant, une tranche d'Histoire à ne pas négliger.
Un petit goût de la Couleur des Sentiments
Dans une petite ville de l'Indiana, Odette, Clarice et Barbara Jean, trois pimpantes quinquagénaires afro-américaines, se connaissent depuis qu'elles sont gamines et ont gagné le surnom des "Suprêmes" chez Big Earl lors de leurs petites virées après le lycée.
Quarante ans plus tard, elles se retrouvent toujours chez Big Earl après la messe pour le traditionnel repas dominical. Odette, son gros appétit, sa volonté de fer et son mari James, Clarice et son snobisme, sa froideur parfois et son coureur de mari Richmond et Barbara Jean enfin qui cache, avec son mari Lester, beaucoup de douleur.
Ces femmes, qui ont vu tous les bouleversements des États-Unis des années 50 jusqu'en 2005, ont su rester soudées malgré les épreuves. Entre allers-retours passé-présent, d'Odette qui voit des fantômes aux problèmes de Clarice avec son mari ou des démons de Barbara Jean, vous serez vite séduits par cette amitié indéfectible et ces trois caractères aussi forts qu'attachants.
N'hésitez pas un instant et découvrez ces femmes qui sauront vous émouvoir et vous faire rire le temps d'un moment douillet de lecture.
Ne passez pas à côté de Richard Casey!
La Belle colère, ce nouveau label des éditions Anne Carrière, nous propose de partir à la rencontre de Richard Casey, 17 ans bientôt 18 mais probablement jamais 19 puisqu'il est en soin palliatif. Difficile de commencer un roman avec une telle accroche et pourtant Hollis Seamon réussi le tour de force d'être toujours juste et de nous offrir un sublime coup de poing sur 276 pages.
Richard ne veut pas se laisser mourir si facilement simplement parce qu'il a une DMD - comprenez une Dieu me déteste. À presque 18 ans, il veut profiter de la vie ce qui comprend naturellement: faire le mur, draguer la minette du 302 qui même si elle n'a plus de cheveux reste la plus belle fille qu'il connaisse et surtout se montrer râleur, pénible, exigeant, bref, être un adolescent comme les autres.
Dieu me déteste est un tour de force, un roman poignant et drôle, où les personnalités comme les douleurs se côtoient, s'aident et parfois s'affrontent. Un livre à découvrir absolument.
Dans la clinique Saint-Charles, "trois toqués au guide Dumachin", on trouve, à côté de Madame Bergougnoux, septuagénaire à gaine persuadée que les aliens sont prêts à débarquer pour l'emmener dans leur grand vaisseau, Alice et Julius. Julius est là pour amnésie, ou presque. Un peu parano, pas mal frappé du bulbe, il est surtout convaincu qu'un complot planétaire se trame, orchestré par un groupe appelé Tiresias et qu'il est le seul à pouvoir sauver le monde, même si celle-ci à du retard. Alice quant à elle est amnésique aussi depuis que tout son mariage a explosé...littéralement. Armé de capsules de nespresso qu'il sniffe pour se donner un coup de fouet, Julius, 1m55 au garrot, a préparé son évasion dans les moindres détails...mais il n'avait pas prévu les deux agents envoyés à ses trousses et il se retrouve, pour son plus grand plaisir embarqué avec Alice dans une course poursuite éperdue à travers Paris pour semer leurs poursuivants et révéler "l’extraordinaire vérité cachée derrière notre triste et médiocre réalité".
Après Série Z et Le Mystère Sherlock, c'est tout l'humour et la maîtrise de cet ovni de la littérature française que nous retrouvons avec bonheur. Cette fois-ci, c'est le monde du complot et le thème de la course poursuite qu'introduit J.M. Erre dans son univers. Entre Julius, paranoïaque au dernier degré, doté de fort élan chevaleresque et amoureux, Alice aussi sensible qu'une betterave, Ours le pote geek à fond dans l'idée du complot, Gaboriau le commissaire de police à 4 jours de la retraire et son lieutenant Matozzi, ravi d'envoyer pépé dans les orties, on a de quoi faire. À côté de personnages rocambolesques, c'est un récit extrêmement drôle, bourré de blagues, de remarques détournées, de jeux de mots et de calembours comme on les aime que l'on savoure.
Mais la vraie trouvaille de J.M Erre, c'est la déconstruction narrative qu'il opère tout au long du roman. Il se joue complètement de tous les codes et clichés narratifs qui composent normalement une histoire et brise en quelque sorte le 4ème mur pour notre plus grand plaisir.
Si vous voulez vous détendre et rire sans tomber dans un récit idiot, La fin du monde a du retard est fait pour vous. Un grand cru du loufoque, à dévorer absolument.
Après vingt ans d'exil aux Etats-Unis, Leela Bose doit retourner en Inde pour le mariage de la nièce de son mari avec le fils de Vyasa Chaturvedi, éminent professeur de sanskrit. Or Vyasa n'est autre que le mari de sa défunte sœur Meera, celui par qui la tragédie est arrivé. Les deux ennemis d'hier se retrouvent aujourd'hui pour le dernier acte de leur combat mais il se pourrait que Ganesh veille au grain et protège son héroïne des griffes du fourbe Vyasa.
Un mariage comme point de départ à une grande fresque indienne. Tel un film bollywoodien, c'est là que tout se noue et se dénoue, que les secrets les mieux enfouis vont se révéler au grand jour au risque de tout écrouler sur leur passage.
Alice Albinia sait parler de l'Inde contemporaine et de ses problèmes: place des femmes dans la société, nationalistes prônant le sanskrit et l'hindouisme comme retour aux sources contre l'empreinte britannique, conflits religieux etc. Dans ce roman où les voix sont multiples, chaque personnage voit son destin bouleversé par la rencontre de ces quelques familles que tout oppose. Au milieu de ses batailles modernes, deux entités immuables s'affrontent: Leela et Vyasa, comme les derniers avatars des héros du Mahabharata.
C'est là que se joue le talent d'Alice Albinia, ce mélange qu'elle opère entre passé et présent, entre récit contemporain et fresque ancienne. Deux facettes d'un même pays et de sa culture, réunies dans ses pages et laissant une grande place à la figure de la femme souvent mise à mal. Son récit ne serait peut-être alors qu'une grande métaphore sur l'Inde et ses problèmes, le tout servi de temps à autre par un narrateur de choix: Ganesh, le dieu éléphant en personne.
Un livre pour les amoureux de l'Inde et de sa culture plurielle.