Cette édition réunit des nouvelles déjà parues dans trois volumes (Comment plumer un pigeon - En déroute - La Fête des corbeaux) auxquelles s'ajoutent quelques histoires inédites.
La plupart de ces 45 nouvelles se déroulent dans le Montana, le pays de McGuane, un pays de bétail, de terres agricoles, de grands espaces et de petites villes peuplées de toute une variété de personnages un peu rudes ou un peu en déroute. Des âmes égarées par de mauvais choix, faits par lâcheté ou bêtise, ou par des incidents malheureux. Toutes racontent en vrac une Amérique perdue. Entre rébellion et solitude, nostalgie d'un passé mythique et présent déprimant, ces histoires teintées d'humour, de lucidité ou de mélancolie sont finement observées, même si leur portée sociale est limitée et leurs conclusions parfois assez nébuleuses.
Tout l'intérêt de cette copieuse compilation de 667 pages est de découvrir comment les histoires de McGuane sont devenues plus complexes au fil du temps, à la fois plus sombres et plus drôles. Une bonne façon de découvrir cet auteur qualifié d'enfant terrible de l'Amérique.
Jusqu'à ce que les pierres deviennent plus douces que l'eau
De Antonio Lobo-Antunes
Christian Bourgois
Dans cette vaste analepse fragmentée et vertigineuse, Antonio Lobo Antunes explore les traumatismes psychiques engendrés par les horreurs de la guerre. Elle nous fait pénétrer dans les esprits perturbés de deux hommes qui ont vu leurs vies bouleversées par la guerre d'indépendance d'Angola. D'incessantes reviviscences parasitent leurs pensées en les ramenant sans cesse vers l'Afrique , là où se nouent les origines du drame qui va se jouer entre un père et son fils.
C'est un livre troublant qui provoque un réel malaise face aux terribles descriptions de la réalité de la guerre et nécessite beaucoup d'attention. Au premier abord cette lecture désoriente totalement avec ses longues phrases au rythme chaotiques puis, une fois le style narratif assimilé, elle devient bouleversante même si elle reste ardue.
Dans ce texte qui répond à tous les critères du conte philosophique et où le désir immodéré de richesse tient lieu de boussole, la stupidité le dispute à la filouterie.
Derrière les péripéties d'un pauvre villageois plus bête que méchant, s'esquisse le portrait d'une société d'hommes incapables d'entendre la voix des femmes. Une voix pourtant pleine de bon sens qui est peut-être leur vraie richesse...
Dans le contexte historique très particulier de l'immédiate après révolution roumaine de 1989, une adolescente prénommée Emma raconte sa vie presque ordinaire auprès de son étrange grand-mère. Dans son village on dit que la vieille femme est folle. Elle pratique en effet de curieux rituels qu'elle enseigne avec bienveillance à sa petite fille. Toutes deux sont endeuillées et hantées par un passé (récent pour l'une et beaucoup plus ancien pour l'autre) qu'elles n'arrivent pas à balayer. Au contact l'une de l'autre, la parole va se libérer pour les aider à surmonter la douleur.
Derrière le portrait d'Emma, se profile celui d'une société marquée par les violences d'un régime totalitaire. Les séquelles sont profondes mais la mutation est en cours. Pour la jeune fille et son aïeule, tout comme pour le pays, il est temps de se reconstruire sur les cendres du passé.
J'ai trouvé ce roman aussi singulier que captivant. Singulier par la façon dont Emma s'exprime; simple et directe, presque plate, convenant parfaitement à son jeune âge mais qui devient riche et très précise quand son imagination l'emporte au-delà du visible. Et captivant par l'introduction de la magie, encore très vivace en Roumanie, le seul pays d'Europe à reconnaître officiellement la profession de sorcière.
Ouvrir ce roman, c'est prendre un billet pour un voyage pittoresque en Arctique, au nord du cercle polaire, en compagnie de cinq hommes rudes mais attachants. Ils vivent ensemble en compagnie de leurs chiens, d'une vieille femme et d'un enfant, souvenir d'un passage féminin dans leur cabane.
Ces hommes ne sont pas des autochtones, ils viennent des quatre coins du monde et se retrouvent réunis par le hasard, liés par une solide amitié. Grands amateurs de gnole et de bonnes histoires, ils nous entraînent à la rencontre de leurs voisins trappeurs et bouilleurs de cru comme eux ou des chasseurs inuits du village d'à côté que Friel appelle "eskimos" (terme tombé en désuétude car considéré comme offensant par les intéressés).
On découvre une communauté solidaire, joyeuse et fort hospitalière dans laquelle on se laisse entraîner sans peine. Suivre les aventures de cette galerie de personnages atypiques et un peu fous a de quoi dégeler les humeurs les plus moroses.
Cette édition réunit Un récit qui donne un beau visage , Le piège à renards du seigneur et La fête du premier de tout qui avaient tout d'abord été publiés séparément. Il me plus semble intéressant de découvrir l'ensemble d'un coup car prises une par une ces histoires ne paraissent pas suffisamment consistantes pour satisfaire l'appétit d'un lecteur avide, lui aussi, de bonnes histoires.