FM - La folle histoire des radios libres, la folle histoire des radios libres
EAN13
9782246342014
ISBN
978-2-246-34201-4
Éditeur
Grasset
Date de publication
Nombre de pages
333
Dimensions
24 x 15 cm
Poids
443 g
Langue
français
Code dewey
384.54
Fiches UNIMARC
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FM - La folle histoire des radios libres

la folle histoire des radios libres

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Grasset

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ACTE PREMIER?>LE TEMPS DE LA PROHIBITION?>mars 1977 - avril 1981?>?>1
Coup de théâtre à TF 1?>Il fait chaud. Et cette soirée électorale retransmise sur TF 1 est d'une lancinante tristesse.Son impressionnante tête tassée aux creux de ses épaules, les bras repliés sur la table, les mains jointes, Georges Marchais s'impatiente. Ses sourcils épais hoquettent au rythme des paroles des autres invités du plateau comme autant de tempêtes contenues. Tous peut-être sont incommodés par la chaleur. Nous sommes en mars 1977 et il fait presque beau. Pour beaucoup, c'est le printemps de la gauche. Ce petit bourgeon qui vient de montrer sa vigueur lors du premier tour des élections municipales. Sondages à l'appui, nul ne doute qu'il finira par éclore aux législatives de 1978.Nous n'en sommes pas là. Ce dimanche soir, la gauche donne d'elle-même une image convenue. Robert Fabre parle du programme commun et de « l'avancée sociale qu'il représente pour des millions de Français ». Marchais n'a pas d'amitié pour le radical de gauche, mais encore moins de sympathie pour son voisin le plus proche. Petit et sec, le front large et l'œil clair, Brice Lalonde est jusqu'à présent resté silencieux. Comme timide. Fort de 10 % des voix acquises au profit de sa liste Paris-Écologie, c'est la tête haute qu'il a poussé la porte de la rue Cognacq-Jay. Mais le grand jeu de la politique ne l'intéresse encore que moyennement. Il sait que son heure va venir. Il prie simplement pour qu'à ce moment-là, tout fonctionne comme il est prévu. Une chose trouble : depuis son arrivée dans les studios, le leader écologiste garde soigneusement un vieux poste de radio sur les genoux. L'appât au moins est en place. Dans un instant, le gros poisson va mordre.« Que faites-vous avec cette radio, monsieur Lalonde ? »Patrice Duhamel vient de poser la question. Celui qui « penche vers le programme commun sans y tomber » reçoit alors une décharge électrique dans la moelle épinière. Tout à présent est chronométré. Lalonde saisit sa radio, la pose devant lui sur la table, nouvelle proie pour les caméras. Sa voix est claire. On n'y décèle pas l'angoisse.« Cest un exemple de ce qui nous sépare de la gauche. Nous avons lancé des radios de quartier et en ce moment même, dans le 7e arrondissement, cette radio verte émet. Nous allons faire en sorte que les Français puissent communiquer directement entre eux.Duhamel reprend le collier :« Quelle est la longueur d'onde, pour que nous puissions l'écouter ? »Son sourire est amusé. Un rien apitoyé. De la race de ceux qu'on adresse à un enfant à qui l'on ne veut pas faire de peine.« 101 mégahertz en modulation de fréquence. » Le poisson est pris. Mais il faut encore le sortir de l'eau. Lalonde pousse le volume. « Voilà Radio Verte. Elle émet. »Cest le coup de tonnerre. Les journalistes d'Antenne 2 qui suivent, un étage plus haut, la retransmission de la soirée électorale dévalent quatre à quatre les escaliers. Plusieurs de leurs confrères de la presse écrite présents dans le studio n'écoutent déjà plus le pharmacien du Rouergue, qui, des cailloux dans la voix, tente de coller de près aux thèmes des écolos, les vrais vainqueurs du jour. Tous se précipitent derrière la veste marron en velours grosses côtes, qui vient de céder sa place au sein du cénacle tant convoité. Les municipales ne sont plus à l'ordre du jour. Ah, mais les radios... Cest donc vrai ? On en parle depuis quelque temps ; existent-elles à présent ? Comment ? Où ? Que peut-on écrire ? Rue Cognacq-Jay, Lalonde lâche quelques informations sans ralentir sa course.« Nous sommes prêts... Non, je ne peux pas vous dire où... Non, je ne peux vous dire comment... » Un petit sourire et puis s'en va.La victoire est totale. Deux jours plus tard, France-Soir, comme l'ensemble de la presse, titre sur « La radio pirate des écologistes ». Les journalistes n'ont pas grand-chose à se mettre sous la dent. Alors on farfouille dans les archives : « 2 000 radios libres en Italie ». « Les radios vertes des écologistes seront-elles en réalité des "radios rouges" utilisables pour le grand chambardement ? » se demande l'Aurore. qui rappelle « qu'en Italie les radios gauchistes ont joué un rôle insurrectionnel lors des batailles de rue de Bologne et de Rome, le 11 mars dernier [...]. » Cest le début de la grande peur. Elle naît d'un formidable coup de bluff.Car ce dimanche-là, Brice Lalonde n'est pas venu seul sur le plateau de TF 1. Ce garçon affable sait d'emblée comment utiliser les médias : sous l'œil de la caméra, parler le moins possible, agir le plus possible. Son complice, Antoine Lefébure, l'accompagne et se tient coi parmi la maigre assistance qui remplit le studio de télévision. Dans sa main, un grand sac. Dans le sac, un petit émetteur radio pointé vers le poste que tient Lalonde. Tout a été minutieusement préparé, répété. Il s'agit simplement d'être parfaitement synchrones. Lorsque Monsieur 10 %, d'un geste large, tend la main pour monter le volume de son transistor, chacun retient son souffle. C'est le moment que choisit Lefébure pour actionner discrètement son émetteur, relié à un magnétophone où se trouve enregistrée une cassette. Tout fonctionne parfaitement : un vague chuintement sort du poste de radio. « Elle émet » peut alors triompher Brice Lalonde. Et pour 15 millions de téléspectateurs, il n'y a aucune raison d'en douter. Comment pourraient-ils imaginer que la première émission pirate n'est qu'un leurre ? Qu'elle n'est en fait diffusée que sur ce plateau de télévision ? Qu'aucune radio n'est encore en place dans Paris, ni même en France, parce que les forces en présence n'y suffisent pas ? Que nul n'est encore capable d'en assumer la maîtrise ?Aucune importance. La presse, les télés, les radios, se sont déjà emparées de l'affaire. Les maigres bataillons de la guerre des ondes sont à présent au pied du mur. Contraints, sans aucun matériel, de concrétiser ce fol espoir qui vient de naître d'un mensonge un peu fou. Des apprentis sorciers viennent, sans le savoir, de sceller la mort de l'ancien ordre audiovisuel. Personne n'en sortira vraiment indemne.?>2
D'Interférences aux radios de quartier?>Bien plus que Brice Lalonde, c'est l'homme au sac qui s'inscrit dans cette histoire comme une véritable figure de proue. Une histoire qui dans ses prémices, doit davantage à l'Angleterre qu'à l'Italie. Mais arrêtons-nous d'abord en Normandie. Car c'est ici qu'Antoine Lefébure dévore ses premiers Tintin et se nourrit d'admiration pour Blake et Mortimer, de distingués « British » qui, entre deux combats contre la Marque Jaune, dégustent leur thé en écoutant la BBC. Jeune bourgeois dilettante, Lefébure n'a pas encore douze ans qu'il répare déjà de vieux postes de radio et s'échine à capter Radio Pékin dont il diffuse les programmes aux vaches qui n'en demandent pas tant. Lorsqu'il a quinze ans, c'est Europe qu'il écoute et « Salut les copains », mais surtout Radio Caroline, un rien plus chic, qui retransmet les premiers tubes « sixties » d'un bateau naviguant au large de l'Angleterre. Un parfum d'aventure. Mais pourquoi pas nous, et pourquoi pas sur terre ? se demande Lefébure. Cette idée ne le quittera plus.Mai 68 le voit dandy, situationniste et bidouilleur de talent. Pas assez concerné pour distribuer des tracts, il se retrouve tout de même le 22 mars à Nanterre. Blake et Mortimer sont alors de retour : plutôt que de se tacher les doigts, Lefébure s'amusera à confectionner un système-radio permettant d'écouter les fréquences de la police. Des compétences sacrément utiles en période de révolution... Il faut pourtant attendre 1973 pour que les choses sérieuses commencent vraiment. Un peu plus de vingt ans et professeur d'histoire, Lefébure rêve toujours de radio. Autour de lui, on commence à parler de Radio Jackie, une pirate anglaise créée et animée par Mike Knight. Ce n'est certes qu'un murmure. Personne encore, de ce côté-ci du Channel, et très peu de l'autre côté des Alpes, n'envisagent sérieusement de se lancer dans l'aventure radiophonique. L'idée n'effleure qu'une poignée de techniciens passionnés par les ondes courtes, mais pas les militants ni les contestataires qui lui préfèrent la presse (Libération vi...
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