Les Rois d'Islande

Nous sommes à Tangavik, petite ville de pêcheurs du sud de l’Islande, où, depuis près de deux siècles, les membres du clan Knudsen tiennent les rênes du pouvoir et prennent du ventre.
Ils y ont construit les rues et les bâtiments, possèdent les magasins, les enclos où l'on fait sécher la morue, les usines à farine de poisson, les bateaux à moteur, les chalutiers et les banques. Ils sont ministres, ambassadeurs, pilotes de chasse ou criminels ; ils siègent aux conseils municipaux, dirigent les fanfares, les chœurs masculins, les associations féminines et les concours de beauté. Ivrognes ou abstèmes, vierges ou nymphomanes, bagarreurs, excentriques, roublards, toujours hauts en couleur, les membres de cette famille ont, de mémoire d’homme, toujours manipulé le petit peuple. Ils ont vaincu et perdu, mais sont toujours retombés sur leurs pieds.
Leur histoire nous est contée par un aspirant écrivain qui fut l’élève d’un des membres les plus éminents de cet impitoyable clan, Arfinnur Knudsen, le « grand maître ». À travers l’histoire de celui qu’il considère comme l’incarnation vivante des anciens rois d’Islande, le jeune homme va nous entraîner dans une trépidante saga familiale aux côtés de personnages aussi rusés que truculents. Pourtant, derrière leurs aventures et leurs méfaits, se dresse le tableau sans pitié d’une société islandaise corrompue, d’un petit peuple coriace, pourtant à la merci d’une bourgeoisie locale omnipotente.
Einar Már Guðmundsson s’inspire largement de son histoire familiale pour extraire le matériel brut de ses fictions. Conteur-né, doté d’une écriture puissante et inspirée, il associe avec talent les faits historiques et la plus grande fantaisie. Réalité et mythe, joie et souffrance, fierté et humiliation s’y entremêlent avec un humour féroce. Pourtant, la poésie qui imprègne ses écrits ne l’empêche pas d’exercer un regard perçant et analytique sur la modernité islandaise. Parmi ses précédents écrits, Les Anges de l’univers (Flammarion, 1998) développait une réflexion sur l’urbanisation du pays. Avec Les Rois d’Islande, Einar Már Guðmundsson fait encore une fois preuve d’une conscience politique aiguisée et d’une solide sympathie accordée aux gens simples. Il y dénonce l’exercice illégitime du pouvoir, mais également la superficialité de la vie moderne, sa quête effrénée d’argent, de succès, d’élégance.