Trieste, Ou le sens de nulle part
EAN13
9782512010173
Éditeur
Nevicata
Date de publication
Langue
français
Fiches UNIMARC
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Trieste

Ou le sens de nulle part

Nevicata

Indisponible
Un portrait délicat de la cité de l’Adriatique, carrefour séculaire des
tumultes de l’histoire européenne.

L’écrivain britannique Jan Morris a découvert Trieste comme soldat en 1945, et
cette ville n’a cessé depuis de la hanter. Maintes fois bousculée par les
remous de l’histoire, Trieste incarne la précarité des frontières, la finitude
des empires et s’est affirmée depuis des siècles comme un havre pour les
exilés, célèbres ou anonymes. Évoquant l’histoire, l’art, la littérature ou
l’architecture, Jan Morris esquisse dans ces pages un tableau élégant et
teinté de mélancolie de la grande cité portuaire des Habsbourg, éprouvée par
les années noires du fascisme et le glacis du rideau de fer. La Trieste
d’aujourd’hui, cosmopolite et frémissante, à la fois latine, slave et
germanique, reste une métaphore de l’histoire troublée de notre continent.

Plongez dans un tableau élégant et teinté de mélancolie de la grande cité
portuaire des Habsbourg !

EXTRAIT

Il y eut un temps où j’avais coutume de dire que si j’étais juive, je serais
certainement sioniste. J’avais servi en Palestine sous mandat britannique et
j’avais alors pensé que c’était les Arabes, pas les Juifs, qui en bavaient ;
mais voir la jeune armée israélienne déferler dans le Sinaï lors de la
première de ses guerres m’emplit de sympathie romanesque pour le petit État.
Plus tard, je changeai à nouveau d’avis et compris que les Juifs que
j’admirais le plus étaient ceux de la diaspora qui n’avaient pas abandonné la
fierté de leur origine et restaient étroitement liés par l’histoire et la
culture, par un amour des mots, de la musique et du débat, mais qui étaient
par essence des citoyens du monde, supranationaux, extraterritoriaux. C’est
leur esprit, diffus mais rémanent, tel un gène de chromosome, qui me fait voir
Trieste encore comme une ville juive. D’ailleurs, les Juifs restent encore
dans les parages. L’essentiel de leur vieux ghetto, dans le quartier de la
Piazza Unità, a fait les frais des transformations municipales, mais ce qui en
reste, comme dans bien des anciens ghettos d’Europe, est devenu plutôt
tendance. Les excellentes librairies, les antiquaires, les marchands d’art et
les restaurateurs abondent et il y a un marché aux puces le dimanche. Via del
Monte, la synagogue des migrants abrite un musée juif, dirigé par un rabbin de
la grande synagogue et il y a une école juive à côté. Ici et là, cependant,
des rues médiévales abandonnées subsistent, dans l’attente de la démolition,
et leurs hautes maisons vides à volets clos, leurs lampes, chaînes, cadenas et
chats errants rappellent des époques plus cruelles. L’autre jour encore, dans
le même quartier du ghetto, j’ai vu trois musiciens ambulants en loques
chassés par la police et, en les regardant fermer leurs étuis, fourrer leurs
instruments sous le bras et partir d’un pas traînant vers le front de mer, je
songeai qu’ils ressemblaient vraiment aux malheureux Juifs d’antan poussés
comme du bétail dans les wagons.

A PROPOS DE L'AUTEUR

Née en 1926, Jan Morris est l’un des plus célèbres écrivains de voyage de
langue anglaise. Elle est l'auteur de Pax Britannica, une histoire de l’empire
britannique, et de délicats portraits de Venise, Trieste, Oxford, New York ou
Hong Kong. Elle vécut et écrivit sous son nom James Morris jusqu’en 1972,
année où elle a changé de sexe.
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