Le présage du corbeau

Don Rearden

Fleuve Editions

  • Conseillé par
    9 octobre 2013

    Premier roman de Don Rearden, on sent que « Le présage du corbeau » a été longuement mûri et nourri par l’expérience de l’auteur qui vit en Alaska. Réfléchi, documenté (l’auteur connaissant parfaitement la culture Yupik et ça se ressent), visionnaire, Don Rearden nous livre un très bon premier roman, maitrisé et abouti. On pourrait pratiquement le qualifier de post-apo, la trame nous confrontant à une catastrophe écologique majeure survenue en Alaska et qui a pratiquement décimé tout la population et contaminé la faune et la flore. Dès les premières pages, l’auteur nous confronte à la tragédie sans nous apporter d’éléments de réponse, ceux-ci venant plus tard, les chapitres alternant entre passé et présent de manière à nous révéler au compte-gouttes les indices capable de lever le voile sur le mystère entourant cette catastrophe.


    Angoissant par son atmosphère qui apporte un malaise indicible au lecteur qui prend connaissance des divers éléments de l’intrigue, le suspense est très bien mené, l’auteur faisant des allées et venues chronologiques entre événements passés et présents. Au risque parfois de s’y perdre quelque peu, l’auteur usant de flach-back et de flash-forward dans un même chapitre, en utilisant juste un saut de ligne et en confrontant trois degrés dans le temps à certains moments. Heureusement l’histoire est si prenante, que l’on met vite ses procédés narratifs de côté pour se concentrer sur les fragments de révélations que l’auteur nous concède. Révélations sur le cataclysme bien entendu mais également sur les personnages dont on ne sait pas encore ce qu’ils sont devenus même si on le devine insidieusement.

    Entre deux phases de suspense et d’effroi, l’auteur nous ménage des pauses descriptives à couper le souffle, au beau milieu d’un paysage sauvage et virginal. L’environnement joue d’ailleurs un rôle considérable dans le roman, la contrée Yupik nous étant présentée tel un éden nourricier mais aussi hostile, pour qui ne sait pas le dompter. Une bonne connaissance de la région que l’auteur réussit à imposer à notre esprit avec la sensation du vent glacial sur notre visage et la faim qui nous taraude. Les émotions primaires et existentielles – la faim, la soif, la fatigue mentale et physique, le désespoir – autant de sensations qui nous heurtent de plein fouet tant les personnages nous apparaissent réalistes. On ressent la peur de John, son découragement, sa douleur d’avoir perdu un être cher mais aussi sa volonté d’aller de l’avant, malgré tout. Par volonté de préservation, par volonté de survie. Et la note de l’auteur en fin de roman nous glace d’effroi et nous rappelle qu’il ne faut jamais fermer les yeux. Jamais.