• Conseillé par
    29 juin 2012

    Un très bon roman!

    Je n'avais jamais lu de romans de Philip Roth avant celui-là et je dois dire que s'ils sont tous aussi bien écrits et aussi intéressants, je vais me jeter sur le reste de son oeuvre!

    Marcus est un jeune étudiant américain, vivant en permanence avec l'envie de bien faire et de ne pas décevoir ses parents, et la peur d'aller au front s'il est recalé ou a de mauvais résultats universitaires.


    Il part à Winesburg, loin de chez lui, afin d'échapper aux angoisses de son père qui craint de le perdre et a un comportement protecteur et étouffant ( voire oppressant).

    Mais le fils est tout aussi angoissé et sensible! Il passe son temps à réfléchir sur ses actes et ceux des autres : ses colocataires, Olivia sa petite amie, son père...

    Le début du roman met la situation et les personnages en place, puis un "secret" est révélé et l'acmé du récit est pour moi ( et pour beaucoup d'autres lecteurs) le passage ou Marcus se défend contre le doyen Caudwell avec force rhétorique!

    Ce roman pose également la question de l'impact que peuvent avoir nos actes, si minimes soient-ils, sur le reste de notre existence.

    Vous l'aurez compris, Indignation est un livre très profond et très puissant à lire absolument.


  • Conseillé par
    23 octobre 2010

    Indignation de Philip Roth

    Dans "Indignation" Philip Roth signe un livre rempli d'émotion, de fureur rentrée, de révolte réprimée, sentiments à l'image de son jeune héros, le trop gentil et trop honnête Marcus Messner.

    "Indignation" est, en effet, un roman dont le titre reflète le ton même du récit. Indignation du jeune homme fougueux, entier, idéaliste mais peu adapté à une société hypocrite où règne le faux-semblant des bonnes moeurs et des apparences; indignation de l'écrivain qui dénonce une société qui envoie ses enfants se faire tuer sur le front de Corée s'ils ne satisfont pas à ce que l'on attend d'eux.

    Marcus Messner, fils de boucher, a dix-neuf ans quand il décide de quitter le cocon familial dans le New Jersey et de poursuivre ses études au Winnesburg Collège, dans l'Ohio. Nous sommes dans les années 50, encore marquées par les morts de la guerre de 40-45, ce qui explique peut-être la paranoïa que développe le père du jeune homme à son sujet, une peur si violente et maladive que Marcus n'a que cette échappatoire, partir! il veut être indépendant et grâce à son intelligence et un travail assidu il veut réussir dans la vie. Etudiant brillant, il va vite déchanter pourtant dans cette université où on l'oblige à suivre des études religieuses chrétiennes alors qu'il est de famille juive et qui plus est -c'est ce qui lui sera d'ailleurs le plus reproché- profondément athée. Le jeune homme va vite s'apercevoir qu'il n'est pas libre d'avoir des idées, des convictions ni même une vie privée, y compris sexuelle. Or, Marcus sait que, s'il échoue dans ses études, il sera renvoyé de l'université et devra partir mourir en Corée.

    La force de ce roman est là, figurée par cette épée de Damoclès prête à s'abattre sur celui qui n'est pas conforme. La rencontre de Marcus avec le doyen illustre avec une violence presque caricaturale cette violation de la conscience, cette incroyable atteinte à la vie privée, Marcus vomissant au sens propre comme au sens figuré dans le bureau du doyen. Je dis caricaturale car le lecteur a peine à croire qu'une telle intrusion dans l'intimité puisse être possible. Mais je me souviens avoir "assisté" à une scène semblable, côté filles, dans le roman de Joyce Carol Oates : "Je vous emmène" et ceci au début des années soixante. II est vrai aussi qu'il faut se replacer dans une époque où les jeunes n'ont aucune liberté sexuelle; il faut savoir aussi qu'en quittant le New Jersey, Marcus arrive dans un état rétrograde, l'Ohio, sous l'emprise de la religion qui s'exerce par la répression, traditionaliste au sens de manque d'ouverture, où les préjugés raciaux s'expriment par des insultes, par des ségrégations au sein même des fraternités.
    L'inégalité sociale est aussi très présente dans "Indignation" et l'on se demande si le doyen aurait pu exercer une telle pression sur un fils de famille riche. Marcus est fils de boucher kasher. Il combine donc deux handicaps aux yeux de cette classe dominante : pauvre et juif! Pourtant c'est grâce à son père - un beau personnage- avec qui il a appris à travailler dans la boucherie, qu'il possède des qualités morales et des principes : l'amour du travail bien fait, ne pas avoir honte de ses origines, savoir que nous sommes responsables du moindre de nos actes et tenons en main notre propre destin. En un mot, l'honnêteté! Et paradoxalement c'est cette honnêteté qui le perdra.

    On voit que le roman est très pessimiste. Une sorte de fatalité pèse sur le héros. Lorsqu'il tombe amoureux, c'est d'une fille si terriblement abimée par son père, qu'elle ne peut que l'entraîner vers le malheur. La boucherie kasher et les abattoirs où Marcus a travaillé sont comme la métaphore de sa vie et préfigurent l'horreur des massacres en Corée, le sang versé dans toute guerre.

    Philippe Roth ajoute à la fin du roman une note historique plus optimiste. Il explique comment les contestations de 68 ont provoqué des bouleversement dans l'université, une libéralisation, l'obligation d'assister à l'office étant abolie. Pourtant, Philippe Roth écrivant sur le passé, nous rappelle un présent très proche de nous. Que la guerre soit celle de Corée, que l'action se déroule dans les années 1950 et non maintenant n'empêchent pas que le propos soit très contemporain. La guerre en Irak, où sont allés mourir ces jeunes gens des classes populaires qui voulaient gagner de quoi payer leurs études, en est bien la preuve!