- EAN13
- 9782070703043
- ISBN
- 978-2-07-070304-3
- Éditeur
- Gallimard
- Date de publication
- 12/02/1985
- Collection
- Du monde entier (2)
- Séries
- Soixante-dix s'efface (2)
- Nombre de pages
- 600
- Dimensions
- 21,5 x 15 x 3,4 cm
- Poids
- 625 g
- Langue
- français
- Langue d'origine
- allemand
- Code dewey
- 838.91
- Fiches UNIMARC
- S'identifier
2, 1971-1980 - Soixante-dix s'efface (Tome 2-1971-1980)
Journal
De Ernst Jünger
Traduit par Henri Plard
Gallimard
Du monde entier
«S'il existait une "école du regard", Ernst Jünger en serait le maître. Mais c'est déjà trop dire, car rien n'est plus étranger à sa nature que de légiférer ou de se poser en modèle littéraire. La seule société d'initiés dont il se réclame est celle, limitée et subtile, des entomologistes. Pour le reste, ce qui domine chez lui en cette œuvre tardive, c'est l'ouverture au monde, aux cultures, aux êtres et aux livres. La richesse de sa méditation n'est pas moins grande que lorsqu'elle était portée par l'expérience de la guerre et des grandes catastrophes historiques. L'explosion de la nature printanière, une promenade à Venise, la lettre d'un ami suffisent à la nourrir. Éros et Thanatos sont toujours présents ; mais à travers l'écriture transparente du grand âge, la mort s'est comme apprivoisée. Défiant le temps qui s'écoule de plus en plus vite, le journal affirme jour après jour la permanence créatrice du geste de l'écrivain.»Julien Hervier.
Le nouveau volume de Soixante-dix s'efface apporte, dans la série des journaux d'Ernst Jünger, un ton et des thèmes tout autres que ceux des précédents. Cette œuvre est rare et presque unique, puisque seul Jouhandeau, dans ses Journaliers, a tenu le livre de bord de l'extrême vieillesse - de manière bien différente, d'ailleurs. À un âge qu'atteignent peu de créateurs, de soixante-seize à quatre-vingt-cinq ans, Jünger poursuit ses voyages autour de lui-même et du monde. Le goût des «pays lointains» demeure, mais leur cercle se restreint : désormais, c'est surtout le pourtour de la Méditerranée, Grèce, Turquie, Crète, Maghreb... comme si l'auteur
recherchait la matrice d'une culture qu'il a, comme jadis Goethe, assumée et transmuée en substance personnelle. Au Liberia, une singulière cérémonie initiatique le fait entrer dans un monde différent, non plus culturel, mais intemporel : il est «consacré» chef de tribu, selon des rites qui tranchent étrangement sur les honneurs dont l'a couvert l'Occident et qui lui inspirent quelque scepticisme : lui aussi cite la phrase de Flaubert sur les honneurs qui déshonorent et le titre qui dégrade. Les relations directes s'effacent peu à peu : certains
amis meurent ou s'éloignent, et surtout l'ami «donné par la Nature», le compagnon de l'enfance, de l'adolescence, de la guerre et des aventures « diurnes et nocturnes» de l'esprit, son frère cadet Friedrich Georg. Les rapports épistolaires, plus lointains, gagnent en importance ; le détachement lutte avec l'amertume que provoquent, chez cet observateur attentif, les signes d'une accélération de l'histoire, comme l'appelait Daniel Halévy, et, à l'heure présente, d'un naufrage qu'il a comparé dans Approches à celui du Titanic. Il n'en préserve pas moins la faculté enfantine d'émerveillement, et la curiosité à l'égard de cet avenir qu'il ne vivra pas, mais qu'il tente de déchiffrer : sortie hors de l'histoire, combat des Titans et des Dieux, triomphe et déclin du Travailleur ? Certains passages sont déjà écrits comme «d'au-delà» de la vie terrestre ; certains sont des exercices spirituels préparant à l'entrée dans l'intemporalité : ainsi la contemplation du cycle des saisons, des morts et des renaissances dans son jardin de Wilflingen ; les alternances entre l'enracinement et
le voyage, le jardin et la forêt, la double vie parmi les fleurs et les arbres. Pour reprendre une métaphore de John Donne (1631), le vieil auteur «accorde son instrument» devant la porte de l'Éternité.
Le nouveau volume de Soixante-dix s'efface apporte, dans la série des journaux d'Ernst Jünger, un ton et des thèmes tout autres que ceux des précédents. Cette œuvre est rare et presque unique, puisque seul Jouhandeau, dans ses Journaliers, a tenu le livre de bord de l'extrême vieillesse - de manière bien différente, d'ailleurs. À un âge qu'atteignent peu de créateurs, de soixante-seize à quatre-vingt-cinq ans, Jünger poursuit ses voyages autour de lui-même et du monde. Le goût des «pays lointains» demeure, mais leur cercle se restreint : désormais, c'est surtout le pourtour de la Méditerranée, Grèce, Turquie, Crète, Maghreb... comme si l'auteur
recherchait la matrice d'une culture qu'il a, comme jadis Goethe, assumée et transmuée en substance personnelle. Au Liberia, une singulière cérémonie initiatique le fait entrer dans un monde différent, non plus culturel, mais intemporel : il est «consacré» chef de tribu, selon des rites qui tranchent étrangement sur les honneurs dont l'a couvert l'Occident et qui lui inspirent quelque scepticisme : lui aussi cite la phrase de Flaubert sur les honneurs qui déshonorent et le titre qui dégrade. Les relations directes s'effacent peu à peu : certains
amis meurent ou s'éloignent, et surtout l'ami «donné par la Nature», le compagnon de l'enfance, de l'adolescence, de la guerre et des aventures « diurnes et nocturnes» de l'esprit, son frère cadet Friedrich Georg. Les rapports épistolaires, plus lointains, gagnent en importance ; le détachement lutte avec l'amertume que provoquent, chez cet observateur attentif, les signes d'une accélération de l'histoire, comme l'appelait Daniel Halévy, et, à l'heure présente, d'un naufrage qu'il a comparé dans Approches à celui du Titanic. Il n'en préserve pas moins la faculté enfantine d'émerveillement, et la curiosité à l'égard de cet avenir qu'il ne vivra pas, mais qu'il tente de déchiffrer : sortie hors de l'histoire, combat des Titans et des Dieux, triomphe et déclin du Travailleur ? Certains passages sont déjà écrits comme «d'au-delà» de la vie terrestre ; certains sont des exercices spirituels préparant à l'entrée dans l'intemporalité : ainsi la contemplation du cycle des saisons, des morts et des renaissances dans son jardin de Wilflingen ; les alternances entre l'enracinement et
le voyage, le jardin et la forêt, la double vie parmi les fleurs et les arbres. Pour reprendre une métaphore de John Donne (1631), le vieil auteur «accorde son instrument» devant la porte de l'Éternité.
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